Jurisprudence 106/ 2002 (10/05/2007)
Type: Arrêt
Autorité: Autorités européennes: Cour européenne des droits de l'homme
Date: 10/05/2007
Objet: Interdiction des traitements inhumain ou dégradants, droit à un recours effectif
Du 19 décembre 1999 à novembre 2001, M. Benediktov fut maintenu en détention provisoire dans deux prisons différentes, à Moscou.
Selon l’intéressé, ces établissements étaient gravement surpeuplés. Dans les plus petites cellules, d’une surface de 12,7 m², les détenus disposaient de moins de 2,2 m² d’espace personnel et, dans les cellules plus grandes, 55,2 m², ils disposaient de moins de 1 m². Etant donné qu’il n’y avait pas suffisamment de lits superposés, les détenus, y compris le requérant, devaient se partager les lits, qu’ils occupaient à tour de rôle.
Il allègue également qu’après avoir été infecté par le virus de l’hépatite il n’a pas bénéficié d’une soin adequate.
Invoquant en particulier les articles 3 et 13, M. Benediktov se plaignait des conditions épouvantables dans lesquelles il avait été détenu du 19 décembre 1999 à novembre 2001 et alléguait n’avoir disposé d’aucun recours effectif pour faire redresser ce grief.
Décision de la Cour
Article 3
Les parties sont en désaccord sur les conditions réelles de la détention provisoire de M. Benediktov. Toutefois, un point ne prête pas à controverse : la surface des cellules. M. Benediktov allègue que les cellules étaient gravement surpeuplées ; le Gouvernement n’a pas pu soumettre d’informations complètes sur le nombre de détenus occupant une cellule.
Etant donné que le Gouvernement ne fournit aucune explication convaincante relativement au défaut d’information et que, devant la Cour, il reconnaît même que les cellules étaient peut-être surpeuplées, la Cour décide d’examiner la question en se fondant sur les arguments du requérant.
Indépendamment des raisons à l’origine de la surpopulation carcérale, la Cour estime qu’il incombe au gouvernement russe d’organiser son système pénitentiaire de manière à assurer le respect de la dignité des détenus, quelles que fussent les difficultés d’ordre financier ou logistique auxquelles il pouvait se trouver confronté. En fait, la Cour a fréquemment conclu à la violation de l’article 3 à raison du manque d’espace personnel dont souffraient les détenus.
La Cour note que le Gouvernement n’a invoqué aucun fait ou argument de nature à la persuader de conclure différemment en l’espèce. Le fait que le requérant ait été contraint pendant près de deux ans de vivre, dormir et utiliser des toilettes dans une cellule occupée par un aussi grand nombre de détenus et qu’il n’ait eu qu’une heure quotidienne d’exercice en plein air est en soi suffisant pour provoquer une détresse et une épreuve d’une intensité dépassant le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et pour faire naître chez lui des sentiments de peur, d’angoisse et d’infériorité propres à l’humilier et à l’avilir.
S’il n’a pas été possible d’établir « au-delà de tout doute raisonnable » que la ventilation, le chauffage, l’éclairage et les conditions sanitaires étaient inacceptables, il faut prendre ces facteurs en compte, et surtout la surpopulation carcérale et la forte probabilité que l’intéressé ait contracté une hépatite, pour montrer que les conditions de détention de M. Benediktov sont allées au-delà du niveau toléré par l’article 3. Par conséquent, la Cour conclut à la violation de l’article 3 à raison des conditions de détention de M. Benediktov du 19 décembre 1999 à novembre 2001.
Article 13
Eu égard en particulier au problème structurel général de la surpopulation dans les établissements pénitentiaires russes et au fait qu’il ne s’agit pas simplement d’un problème affectant M. Benediktov personnellement, la Cour estime que le Gouvernement n’a pas prouvé l’existence d’un recours interne qui eût permis au requérant de se plaindre des conditions générales de sa détention et de demander un redressement approprié. Par conséquent, la Cour conclut à la violation de l’article 13 à raison de l’absence de recours interne effectif et accessible
Parties: Benediktov c/ Russia
Classification: Dignité - Art. 4 Torture - Peines inhumains - Peines dégradantes - Traitements inhumains - Traitements dégradantes - Justice - Art. 47 Droit à un recours effectif devant un tribunal