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Observatoire Européen sur le respect des droits fondamentaux

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Jurisprudence 1543/06 (03/05/2007)

Type: Arrêt

Autorité: Autorités européennes: Cour européenne des droits de l'homme

Date: 03/05/2007

Objet: Dans le cadre d’une campagne baptisée « Les journées de l’égalité », organisée du 10 au 12 juin 2005 par la Fondation, les requérants voulaient organiser un défilé dans les rues de Varsovie afin de sensibiliser l’opinion à la discrimination envers les minorités, les femmes et les handicapés. Les requérants entendaient aussi tenir le 12 juin des rassemblements dans sept places de Varsovie en vue de protester, dans certains cas, contre les discriminations dirigées contre diverses minorités et, dans d’autres, contre celles visant les femmes. Les requérants se plaignaient d’une violation de leur droit à la liberté de réunion pacifique en raison de la manière dont les autorités internes leur avaient appliqué le droit interne pertinent. Ils alléguaient aussi n’avoir pas disposé d’une procédure qui leur aurait permis d’obtenir une décision définitive avant la date prévue pour les manifestations. Enfin, ils soutenaient avoir été traités de manière discriminatoire en ce qu’ils n’avaient pas été autorisés à organiser certaines manifestations alors que d’autres organisateurs avaient bénéficié d’une telle autorisation. Ils invoquaient l’article 11 ainsi que les articles 13 et 14 combinés avec l’article 11. Décision de la Cour Article 11 La Cour rappelle qu’elle accorde une importance particulière au pluralisme, à la tolérance et à l’esprit d’ouverture. Le pluralisme repose également sur une véritable reconnaissance et sur le respect de la diversité et de la dynamique des traditions culturelles, des identités ethniques et culturelles, des croyances religieuses et des idées et concepts artistiques, littéraires et socio-économiques. L’interaction harmonieuse de personnes et de groupes aux identités variées est indispensable à la cohésion sociale. Il est tout à fait naturel que, lorsqu’une société fonctionne de manière saine, la participation des citoyens au processus démocratique s’exprime en grande partie au travers de l’appartenance à des associations au sein desquels ils puissent s’intégrer aux autres et viser collectivement des objectifs communs. L’obligation positive où se trouve l’Etat de veiller au respect véritable et effectif de la liberté d’association et de réunion revêt une importance particulière pour les personnes ayant des opinions impopulaires ou appartenant à des minorités, et ce parce qu’elles sont plus susceptibles d’être victimes de discrimination. La Cour reconnaît que les manifestations se sont finalement tenues aux dates prévues. Toutefois, les requérants ont pris un risque puisqu’elles n’étaient alors pas officiellement autorisées. La Cour observe que cela aurait pu dissuader les requérants et d’autres personnes de participer à ces manifestations au motif que, faute d’autorisation officielle, les autorités ne pouvaient assurer une protection contre d’éventuels manifestants hostiles. Or cette situation n’a pas non plus pu être redressée par les recours juridiques à la disposition des requérants puisque les décisions en leur faveur n’ont été rendues qu’après la date à laquelle les manifestations devaient se tenir. Dès lors, la Cour conclut qu’il y a eu une ingérence dans les droits des requérants tels que garantis par l’article 11. De plus, eu égard aux décisions des 17 juin et 22 août 2005 qui ont annulé les décisions de première instance, cette ingérence n’était pas « prévue par la loi ». Cette conclusion ne peut qu’être renforcée par l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 18 janvier 2006. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 11. Article 13 combiné avec l’article 11 Pour la Cour, il découle de la nature du débat démocratique que le moment auquel se tient un rassemblement public destiné à exprimer certaines opinions peut être crucial pour sa portée politique et sociale. Si un rassemblement public est organisé après qu’une question sociale donnée a perdu de son actualité ou de son importance dans le cadre d’un débat social ou politique particulier, l’impact de cette réunion peut s’en trouver sérieusement amoindri. La liberté de réunion – si on l’empêche de s’exercer en temps utile – peut même se trouver vidée de tout sens. Ainsi, dans les circonstances de l’espèce, la notion de recours effectif impliquait qu’existe la possibilité d’obtenir une décision avant la date des événements prévus. Les organisateurs avaient prévenu les autorités de leurs projets suffisamment à l’avance (le 12 mai pour le défilé et le 3 juin 2005 pour les rassemblements). En vertu de l’article 7 de la loi sur les réunions, une demande en vue d’organiser une manifestation devait être présentée à la commune au plus tôt 30 jours avant l’événement prévu et au plus tard trois jours avant cette date. Il n’existait toutefois aucune loi obligeant les autorités, de par un délai légal, à rendre leur décision définitive avant la tenue des manifestations. La Cour n’est pas convaincue que les recours disponibles, tous valables a posteriori, aient pu offrir aux requérants le redressement approprié, et constate que ceux-ci n’ont donc pas disposé d’un recours interne effectif relativement à leur grief. Il y a donc eu violation de l’article 13 combiné avec l’article 11. Article 14 combiné avec l’article 11 La Cour constate que les décisions de première instance ne dénotent aucune discrimination patente en ce qu’elles ont essentiellement porté sur des aspects techniques de l’organisation des manifestations et sur le respect de certaines exigences. Le refus d’autoriser la manifestation se fondait sur le fait que les requérants n’avaient pas fourni de « plan d’organisation de la circulation » alors que, à ce que la Cour observe, d’autres organisateurs n’avaient pas été soumis à la même exigence. Pour ce qui est des rassemblements, ils n’ont pas été autorisés notamment en raison du risque que de violents affrontements se produisent le 12 juin entre manifestants. Or il n’a pas été contesté que les autorités avaient autorisé d’autres groupes à tenir leurs contre-manifestations ce même jour. La Cour ne saurait spéculer sur l’existence de motifs autres que ceux expressément cités dans les décisions administratives. Elle ne saurait cependant ignorer l’entretien publié le 20 mai 2005, où le maire a exprimé ses opinions personnelles tranchées sur la liberté de réunion et sur la « propagande au sujet de l’homosexualité » et a indiqué qu’il refuserait d’autoriser ces manifestations. La Cour rappelle que l’article 10 laisse très peu de place aux restrictions qui visent les discours politiques ou les débats. Toutefois, s’agissant d’hommes politiques élus détenant aussi des postes dans la haute fonction publique, la liberté d’expression comporte des responsabilités particulières. Ces personnes doivent donc exercer cette liberté avec retenue, sachant notamment que leurs opinions peuvent être comprises comme des consignes par les fonctionnaires dont l’emploi et la carrière dépendent de leur approbation. Elle relève que les décisions concernant la demande des requérants en vue d’être autorisés à organiser des manifestations ont été rendues par les autorités municipales au nom du maire alors que ce dernier avait déjà fait connaître au public son avis sur la question. La Cour en conclut qu’il est raisonnable de supposer que l’opinion du maire a eu une influence sur le processus décisionnel et a en conséquence porté atteinte au droit des requérants à la liberté de réunion en créant une discrimination. Partant, la Cour juge qu’il y a eu violation de l’article 14 combiné avec l’article 11

Parties: Bączkowski e altri c/ Polonia

Classification: Liberté - Art. 12 Liberté de réunion - Liberté d’association - Égalité - Art. 21 Non discrimination - Justice - Art. 47 Droit à un recours effectif devant un tribunal