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Observatoire Européen sur le respect des droits fondamentaux

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Jurisprudence 37406/03 (14/10/2008)

Type: Arrêt

Autorité: Autorités européennes: Cour européenne des droits de l'homme

Date: 14/10/2008

Objet: La Cour conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention européenne des droits de l’homme. Le requérant, Viatcheslav Alexeyevitch Dioundine, est un ressortissant russe né en 1952 et résidant à Orsk (Russie). Il est journaliste. Le 21 août 2002, il publia dans le numéro 128\382 du journal Orski Vestnik un article comprenant un entretien avec deux anciens suspects, dans une affaire de vol, qui avaient accusé la police de les avoir battus pour leur extorquer des aveux. L’interview était suivie de commentaires du requérant dénonçant le manquement des autorités à enquêter au sujet des allégations de mauvais traitements et à traduire les policiers concernés en justice. L’officier de police le plus haut gradé du commissariat où les mauvais traitements auraient été infligés poursuivit le requérant et le fondateur du journal pour diffamation. L’action du policier fut en partie accueillie et il se vit allouer une somme de 2 000 roubles russes (RUR) (70 EUR environ) ainsi qu’une indemnité pour frais et dépens. Le jugement fut confirmé en appel. Le requérant se plaignait d’une atteinte à sa liberté d’expression, en violation de l’article 10. Décision de la Cour Article 10 Il ressort des observations du Gouvernement que les tribunaux internes ont attaché une importance tellement prépondérante aux conclusions du procureur dans le cadre de l’information sur les allégations de mauvais traitement et au refus de celui-ci d’engager des poursuites pénales contre les policiers qu’aucun élément de preuve produit par le requérant n’aurait pu les convaincre de la véracité des déclarations publiées par celui-ci. La Cour estime donc que les motifs pour lesquels les juridictions russes ont refusé d’admettre les moyens de preuve du requérant n’étaient pas pertinents et suffisants, et que les décisions de ces juridictions ne se fondaient pas sur une appréciation acceptable des faits pertinents. A son avis, les éléments produits constituaient une base factuelle suffisante pour fonder l’allégation de brutalités policières. La Cour ne peut davantage admettre l’argument du Gouvernement selon lequel le requérant n’était pas en droit de faire état publiquement des allégations de mauvais traitements après le refus des autorités d’engager une procédure pénale à l’encontre des policiers. Le requérant a mentionné dans son article que le parquet avait refusé d’ouvrir une information sur les allégations de mauvais traitements formulées par les deux suspects. Il a ensuite critiqué les autorités pour leur passivité par rapport à des allégations de mauvais traitements émanant de personnes soupçonnées d’infractions pénales, exprimant par là son opinion sur une question d’intérêt général. Compte tenu notamment du rôle des journalistes et de la presse quant à la diffusion des informations et des idées sur des sujets d’intérêt général, la Cour estime que l’article publié par le requérant constituait un commentaire équitable sur une question d’intérêt général, fondé sur une base factuelle suffisante, et n’a pas dépassé les limites acceptables de la critique. Les jugements rendus dans le cadre de l’action en diffamation contre le requérant ont donné lieu à une atteinte à son droit à la liberté d’expression ; en effet, en omettant de mettre en balance la nécessité de protéger la réputation du plaignant et le droit du requérant de divulguer des informations sur des questions d’intérêt général, en refusant d’établir une distinction entre le propre discours du requérant et la citation par lui de déclarations d’autres personnes pendant une interview, et en ne procédant pas à une appréciation acceptable des faits pertinents, les juridictions russes n’ont pas appliqué des normes conformes aux principes consacrés par l’article 10, et n’ont donc pas justifié l’ingérence en cause. Dès lors, les juridictions internes ont excédé la marge d’appréciation étroite dont elles disposent s’agissant d’apporter des restrictions aux débats portant sur des questions d’intérêt général, et l’ingérence n’était pas « nécessaire dans une société démocratique ». Partant, il y a eu violation de l’article 10.

Parties: Dioundine c/ Russia

Classification: Liberté - Art. 11 Liberté d’expression