Conférences et colloques

Edition provisoire

Le transfert forcé de population: une violation des droits de l'homme

Résolution 1863 (2012)1


1.       Le transfert de population est une pratique ou une politique qui a pour but ou pour effet de déplacer des personnes à l'intérieur de frontières internationales ou au-delà de ces frontières ou à l'intérieur ou à l'extérieur d'un territoire occupé, sans le libre et plein consentement de la population qui fait l'objet du transfert et de la population d'accueil quelle qu'elle soit. Il s’accompagne d’expulsions ou de déportations collectives et souvent de nettoyage ethnique.

2.       Les transferts forcés de population n’ont pas seulement eu lieu au cours de l’histoire; cette pratique et ses conséquences touchent encore les conflits actuels, comme ceux qui ont déchiré l’ouest des Balkans, Chypre et la région du Caucase.

3.       Le transfert forcé de population est un traumatisme pour les populations concernées, une source considérable de souffrance individuelle et un facteur d’instabilité politique.

4.       L’illégalité des actes de transfert forcé de population a été soulignée à plusieurs reprises depuis la Résolution des Alliés sur les crimes de guerre de l’Allemagne, adoptée en 1942. La condamnation la plus sévère et la plus récente de cette pratique figure dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, qui qualifie clairement la déportation, le transfert forcé de population et l’installation de colons de crimes de guerre.

5.       Des déportations de groupes de population pour des motifs politiques et ethniques ont été pratiquées avant, pendant et après la seconde guerre mondiale, et leurs effets perdurent encore aujourd'hui.

6.       Il n’existe à ce jour aucun principe juridique unique applicable aux transferts de population, qui prennent plusieurs formes. Les transferts forcés de population enfreignent néanmoins le droit international des droits de l'homme (notamment la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5) et ses protocoles), le droit international pénal et le droit international humanitaire, ainsi que les principes du droit international public, comme le principe de l’autodétermination.

7.       L’Assemblée parlementaire:

    7.1.       condamne expressément toute forme de transfert forcé de population en Europe et dans le monde;

    7.2.       invite les Etats membres du Conseil de l'Europe à condamner cette pratique, y compris dans leurs relations internationales avec les Etats non européens;

    7.3.       invite les Etats membres du Conseil de l'Europe à étudier correctement les transferts forcés de population survenus au cours de leur histoire et à en promouvoir la connaissance auprès de leurs populations;

    7.4.       invite les Etats membres du Conseil de l'Europe à promouvoir, au sein des instances internationales, l’adoption d’un instrument international juridiquement contraignant qui regroupe les normes en vigueur dans les différents instruments de droit international et définisse, en les interdisant, toutes les formes de transfert forcé de population.

8.       L’Assemblée rappelle sa Résolution 1522 (2006) sur la création d’un centre européen en mémoire des victimes des déplacements forcés de population et du nettoyage ethnique.

9.       En cas de conflit entre deux pays sur l'existence d'un transfert forcé de population ou de ses conséquences, ces deux pays ouvriront leurs archives et créeront une commission réunissant des universitaires ou des professeurs d'histoire des deux pays. Si nécessaire, des pays tiers leur permettront d'accéder sans réserves à leurs archives. L'affaire fera l'objet d'une analyse scientifique et les historiens parviendront plus objectivement à un consensus que les politiciens. L'exploitation politique de l'histoire n'est jamais acceptable.


1 Discussion par l’Assemblée le 27 janvier 2012 (9e séance) (voir Doc. 12819, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur: M. Vareikis ; Doc. 12853, avis de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteur: M. Türkeş). Texte adopté par l’Assemblée le 27 janvier 2012 (9e séance).

     
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