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Observatoire Européen sur le respect des droits fondamentaux

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Jurisprudence 22978/05 (30/06/2008)

Type: Arrêt

Autorité: Autorités européennes: Cour européenne des droits de l'homme

Date: 30/06/2008

Objet: La Cour a conclu, par six voix contre une :que le requérant ne peut plus se prétendre victime d’une violation de l’article 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants) de la Convention européenne des droits de l’homme ; et,qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 (droit à un procès équitable) de la Convention. Le requérant alléguait avoir été soumis à la torture pendant son interrogatoire par la police. Il soutenait également que son droit à un procès équitable avait été méconnu notamment parce qu’auraient été utilisés à son procès des éléments de preuve que ses aveux obtenus sous la contrainte auraient permis de recueillir. Il invoquait les articles 3 (interdiction de la torture) et 6 (droit à un procès équitable). Article 3 Traitement contraire à l’article 3 La Cour note que, selon les constatations des tribunaux répressifs allemands, un policier a menacé l’intéressé de violences physiques qui auraient causé de vives souffrances afin de l’amener à révéler où se trouvait J. Le requérant a donc été soumis à une menace suffisamment réelle et immédiate d’un mauvais traitement délibéré. Quant à la qualification de mauvais traitement, la Cour tient à souligner que l’interdiction d’un traitement contraire à l’article 3 revêt un caractère absolu indépendamment des agissements de la personne concernée et même si le mauvais traitement devait permettre d’extorquer des informations dans le but de sauver la vie d’un tiers. Le traitement que le requérant a subi doit passer pour lui avoir causé de vives souffrances mentales, ce que démontre aussi le fait que, ayant invariablement refusé jusqu’alors de formuler des déclarations exactes, l’intéressé a avoué sous l’influence de cette menace où il avait caché J. La Cour estime dès lors que s’il avait été mis à exécution, le traitement dont le requérant a été menacé aurait été constitutif de torture. Cependant, l’interrogatoire n’ayant duré qu’une dizaine de minutes et ayant eu lieu dans une atmosphère empreinte d’une tension et d’émotions exacerbées car les policiers, totalement épuisés et soumis à une pression extrême, croyaient ne disposer que de quelques heures pour sauver la vie de J., la Cour considère que, au cours de son interrogatoire le 1er octobre 2002, le requérant a été soumis à un traitement inhumain prohibé par l’article 3. Perte de la qualité de victime La Cour considère que les tribunaux allemands ont reconnu de manière explicite et non équivoque que le traitement infligé au requérant lors de l’interrogatoire du 1er octobre 2002 était contraire à l’article 3 de la Convention. Le tribunal régional de Francfort-sur-le-Main et la Cour constitutionnelle fédérale ont déclaré que la menace de souffrances que l’on avait adressée au requérant afin de lui extorquer des propos non seulement constituait une méthode d’interrogatoire prohibée en droit interne mais était contraire à l’article 3. En outre, le requérant a obtenu réparation puisque les deux policiers impliqués dans les menaces ont été reconnus coupables de contrainte et d’incitation à la contrainte dans l’exercice de leurs fonctions et ont été sanctionnés. De surcroît, l’irrecevabilité au procès de toutes les déclarations formulées sous la menace représente un moyen effectif de remédier aux inconvénients que l’accusé a eu à subir de ce fait dans la procédure pénale dirigée contre lui. Cette exclusion contribue à dissuader d’extorquer à l’avenir des déclarations par des méthodes que l’article 3 prohibe. Certes, le requérant n’a à ce jour obtenu le versement d’aucune réparation dans le cadre de l’action en responsabilité administrative qu’il a engagée. La Cour estime néanmoins que dans un cas comme celui-ci, où la violation de l’article 3 réside dans une menace de mauvais traitements (et non dans un mauvais traitement physique effectivement infligé), la poursuite et la condamnation effectives des policiers responsables contribuent d’une manière substantielle à redresser cette violation. En conséquence, la Cour a la conviction que les tribunaux internes ont accordé au requérant une réparation suffisante et conclut que l’intéressé ne peut plus se prétendre victime d’une violation de l’article 3. Article 6 La Cour conclut à l’existence d’une forte présomption que l’utilisation de preuves représentant le fruit d’aveux extorqués par des moyens contraires à l’article 3 prive, au même titre que l’utilisation des aveux extorqués en soi, de caractère équitable le procès dans son ensemble. Elle considère toutefois que ce sont essentiellement les nouveaux aveux que le requérant fit à son procès qui ont fondé le jugement du tribunal régional, alors que tous les autres éléments de preuve ont revêtu un caractère accessoire et n’ont servi qu’à vérifier l’authenticité des aveux. Le requérant a affirmé avoir livré ses nouveaux aveux uniquement parce que les éléments de preuve obtenus grâce à ses premiers aveux livrés sous la contrainte (les traces de pneus et le corps de J.) auraient été, et avaient bien été, utilisés comme preuves à charge. La Cour relève que, dans le cadre de la procédure devant les tribunaux internes, le requérant a par contre toujours confirmé être passé aux aveux de son plein gré par remords et en guise d’excuse. Quoi qu’il en soit, le tribunal régional ayant insisté sur l’importance décisive que les nouveaux aveux du requérant avaient revêtue pour ses constatations et le requérant ayant été assisté d’un défenseur, la Cour n’a pas la conviction que l’intéressé n’eût pas pu garder le silence et qu’il n’ait plus disposé d’autre moyen de défense que d’avouer au procès. En réalité, on peut dire qu’il a simplement varié dans sa ligne de défense. Ses aveux ne peuvent donc être tenus pour le résultat de mesures qui auraient méconnu les droits de la défense à son procès. La Cour conclut dès lors que, dans les circonstances particulières de la cause, compte tenu en particulier des éléments de preuve dignes de crédit (recueillis grâce à la surveillance policière exercée sur le requérant une fois qu’il se fut emparé de la rançon), les pièces à conviction rassemblées après les aveux extorqués ne sont intervenues qu’accessoirement dans le verdict de culpabilité qui a frappé l’intéressé. Leur admission n’a donc pas compromis les droits de la défense et leur utilisation n’a pas privé l’ensemble du procès du requérant de caractère équitable. En conséquence, il n’y a pas eu violation de l’article 6 §§ 1 et 3.

Parties: Gäfgen c/ Allemagne

Classification: Dignité - Art. 4 Peines inhumains - Peines dégradantes - Traitements inhumains - Traitements dégradantes - Justice - Art. 47 Jugement èquitable, public